Pierre Poilievre persiste et signe

Le chef conservateur se devait d'attraper la vague de patriotisme qui traverse le pays. Dans son discours de samedi, Pierre Poilievre a réussi à se présenter comme un fervent défenseur du Canada. Est-ce suffisant pour rassurer les Canadiens face aux menaces américaines?
Contrairement à ces récents rassemblements, Pierre Poilievre a laissé de côté l’habillement décontracté et a renoué avec la cravate. Installé derrière un grand podium, il voulait se donner un air de premier ministre. Son but : envoyer le signal qu’il a l’envergure nécessaire pour se dresser contre la menace qui vient du sud de la frontière.
Ne confondez jamais notre gentillesse avec de la faiblesse. Nous sommes fiers, a lancé le chef conservateur en s’adressant aux Américains. Nous ne serons jamais un État américain, a-t-il ajouté, sous les applaudissements de la foule.
Il a repris presque mot pour mot une déclaration de l’ancien premier ministre Stephen Harper, prononcée quelques jours plus tôt. On va assumer tout fardeau et on va payer le prix nécessaire pour protéger notre souveraineté et notre indépendance , a déclaré Pierre Poilievre.

Le chef conservateur Pierre Poilievre a pris samedi la parole lors de son rassemblement « Le Canada d'abord » à Ottawa.
Photo : La Presse canadienne / Justin Tang
Ces notes, Pierre Poilievre se devait absolument de les frapper pour démontrer qu’il est en phase avec le sentiment de la population canadienne face aux attaques de Donald Trump.
À l’instar du gouvernement libéral, il promet de répliquer à des tarifs américains avec des contre-tarifs dollar pour dollar, en plus d’utiliser 100 % des recettes pour aider les travailleurs et entreprises touchés.
Pierre Poilievre a tenté de faire vibrer la fibre patriotique de ses partisans avec une série de promesses à caractère symbolique. Il propose un retour aux cérémonies de citoyenneté en personne seulement, de ramener Terry Fox dans le passeport canadien et d’accroître les occasions d’immersion dans d’autres provinces pour favoriser l’apprentissage des langues officielles.
Même guide de jeu
Si le chef conservateur assaisonne son discours de patriotisme, le fondement de son programme économique demeure essentiellement le même. Pierre Poilievre persiste et signe.
Les menaces de Trump sur les tarifs ont donné raison aux conservateurs sur tous les points, a-t-il déclaré.
L’élimination de la tarification carbone demeure son cheval de bataille. Il en a été question une quinzaine de fois pendant son discours. Ils vont sabrer le champagne dans la tour de Donald Trump quand la taxe carbone de Mark Carney entrera en vigueur! a-t-il déclaré.
Il a répété ses engagements de réduire les taxes et impôts pour rendre le Canada plus compétitif et d’accélérer le développement d’infrastructures énergétiques afin de moins dépendre du marché américain.
Sur les oléoducs, Pierre Poilievre double la mise. Il propose de raviver un projet d’oléoduc des prairies canadiennes jusqu’au Nouveau-Brunswick, qui passerait par le Québec. Il propose même de nommer le pipeline maître chez nous .

Des tuyaux d'oléoduc sont empilés devant un camion de transport.
Photo : Radio-Canada / Karl Bakx
Pourquoi changer d’approche économique quand ses adversaires semblent lui donner raison? Depuis des semaines, les promesses des principaux aspirants à la chefferie libérale se rapprochent des siennes. Mark Carney et Chrystia Freeland ont promis d’éliminer la tarification carbone pour les particuliers, d’annuler l’augmentation de l’impôt sur le gain en capital et d’accélérer les grands projets énergétiques au pays, notamment.
En gardant le cap, Pierre Poilievre souhaite faire preuve de cohérence et veut démontrer qu’il n’est pas en train de paniquer face à la remontée des libéraux dans les sondages.
Mais il reste des obstacles sur son chemin.
La bataille du CV
D’ici le déclenchement de la prochaine bataille électorale, Donald Trump aura peut-être imposé des tarifs contre le Canada. La menace théorique pourrait rapidement devenir une crise bien réelle.
Dans son discours de samedi, Pierre Poilievre n’a pas vraiment expliqué ce qu’il ferait de différent de Justin Trudeau à court terme pour atténuer les secousses de dispute commerciale avec les États-Unis.
Si les travailleurs de l’aluminium et de l’acier sont attaqués, ils réclameront des plans concrets pour protéger leur industrie et sauver leurs emplois. À quoi ressembleraient précisément les programmes d’aide des aspirants premiers ministres en cas de dispute commerciale prolongée?
Dans la tourmente, les Canadiens pourraient bien chercher la figure la plus rassurante. Lecurriculum vitæ de Mark Carney, économiste et ancien banquier central perçu comme le meneur dans la course libérale, pourrait devenir une menace encore plus sérieuse pour le chef conservateur.
Voter est aussi une question d’émotions. Qui saura le mieux inspirer confiance? C’est aussi ça, le défi de Pierre Poilievre.

Plusieurs décrets signés par le président américain Donald Trump ont été suspendus par des juges fédéraux.

La réduction de la taille de l'État est davantage « idéologique et politique », croit Michael Wernick.

Outre les tribunaux, peu d’institutions semblent en mesure de freiner son action sur la fonction publique.


S'il a ajouté du patriotisme à sa recette, Poilievre fait le pari que son menu politique est encore le bon.


Les Américains se sont imposés 3-1 face aux Canadiens, samedi soir, à la Confrontation des 4 nations.